Les Chroniques d'Ouranos

" (...) Il leva la tête et observa la jeune femme assise devant lui. Regard franc. Allure volontaire. Elle se tenait, les jambes légèrement écartées en appui sur les bottes réglementaires. Le buste droit et les épaules moulées dans un tee-shirt gris. L’apparence générale ressemblait à celle de n’importe quel zoneur de sexe masculin. Soann Arguilo dégageait une force empreinte de sensualité. L’ébauche de sourire à la commissure des lèvres trahissait pourtant une indéfinissable mélancolie.
Elle n’est pas la première femme à se trouver cheffe d’une section. Elle a hérité de l’un des secteurs les plus sensibles du continent et dirige soixante types dont la moitié sont des têtes brûlées. Il faut de la poigne. Soann Arguilo a d’autres atouts. Ses coéquipiers l’admirent et la respectent. Courage, abnégation, ses états de service, élogieux, la désignent d’office pour cette mission. (...) "

*

" (...) Une seule cellule restait vacante au Check Point Break. Le gérant électronique informa ses éventuels clients que la pièce disposait d’une large baie vitrée donnant sur les hauteurs de la ville, avant de leur proposer de confirmer leur réservation.
— Ça te va ? demanda Soann.
— Je ne suis pas du genre à avoir le vertige, répondit sa coéquipière, en lui offrant un sourire entendu.
L’ascenseur les déposa dans la salle de repos. Le lit occupait plus de la moitié de la chambre, le dernier quart étant affecté à l’espace toilette. Soann commanda un repas et des boissons pendant que son amie contemplait les lumières de la cité.
— Malgré l’habitude, je trouve ce paysage grandiose, dit-elle en se retournant vers Soann qui la rejoignait en boitant.
— Pourquoi as-tu fait demi-tour ce soir ? demanda celle-ci.
— J’ai ressenti le choc et… j’ai eu peur pour toi.
Soann se frotta le menton. Elle peinait à cacher sa perplexité. La fille ressemblait à une adolescente. Coiffure en vrac, bouille ronde, regard espiègle. Pourtant et malgré le manque d’éclairage, Soann percevait une maturité qu’elle ne parvenait pas à cerner. Et alors quoi ? questionna sa voix intérieure. Elle te plaît. La réciproque semble réelle. Vous en avez envie toutes les deux. C’est quand même mieux que de finir la nuit seule avec un tube de calmants. (...) "

*

" (...) — Très drôle ! C’est mon boulot, figure-toi. En l’occurrence ce vêtement n’est pour rien dans cette affaire. J’ai fait un test après mon départ du Bellogard, avec la feuille que j’ai récupérée. Je l’ai essuyée. Je te le donne en mille, une fois sèche il n’y a plus aucune trace d’émanations toxiques. Ensuite, je l’ai mise sous une averse et là bingo ! Tous les voyants dans le rouge.
— Quel degré d’alerte ?
— Le maxi, déclara Soann, impuissante. Atteint en à peine dix minutes, avec une mesure à une distance de cinquante centimètres… C’est une petite feuille.
— On dirait que tu as tiré le gros lot.
— Ce n’est pas un jeu Tornard !
Soann semblait paniquée.
— Tu ne te rends pas compte ! J’ai validé l’entrée des Lbs…
— Hum, c’est quand même bizarre cette histoire de rapport officiel transformé… (...) "