Passage du Caire (2 - L'hiver )

" (...) — Je dois y aller.
— Je te revois quand ?
Cette question, qui revenait tous les samedis, était hautement problématique. Céline devait jongler entre les réunions sans fin à la bibliothèque, les devoirs bâclés de Lucas et les tâches ménagères boudées par son mari. Le samedi était un des rares moments de la semaine où elle pouvait s’échapper de cette spirale sans fin. Engoncée dans un manteau de laine sombre, elle répondit simplement :
— Je ne sais pas encore. Je t’appelle.
Le visage fermé et les yeux de chien battu qui la scrutaient achevaient de la culpabiliser
— Tu ne vas pas avoir froid ? dit Sophie d’une voix morne.
— Non et s’il te plaît, ne fais pas cette tête.
— Je ne le fais pas exprès.
— Ça n’est pas plus facile pour moi.
— Peut-être, mais il ne tient qu’à toi de…
Céline l’interrompit en posant un doigt sur ses lèvres.
— On en a déjà parlé. Je le sais…
Sophie soupira et lui vola un ultime baiser, tenaillée par la peur que ce soit peut-être le dernier. (...) "

" (...) Laura s’empara de la bouteille qui s’était réchauffée devant le feu et lança :
— Moi, tu vois, je n’ai pas épousé un Ménélas. Je suis sûre que si je le trompais, il ne traverserait même pas le lac pour me rattraper !
Carole hocha la tête d’un air amusé :
— Tu as déjà essayé ?
— Non.
— Vraiment ?
Laura tituba et s’accrocha au bras de Carole.
— Il faut peut-être s’appeler Hélène pour que ça marche !
— Je ne crois pas. Il suffit d’avoir épousé un homme très orgueilleux ou très amoureux.
— Tu veux dire que, si par exemple, je le trompais avec une femme, son ego en prendrait un tel coup, qu’il traverserait le lac à la nage ?
— Peut-être, oui.
— Alors, je suis prête à parier, dit Laura en attirant Carole vers elle. (...) "

" (...) Marie-Claire se leva brusquement et se pressa contre elle jusqu’à sentir son souffle. Elle serrait les épaules de la jeune femme et essaya de l’embrasser. Christel détourna la tête.
— Comprenez-moi, je ne savais pas comment vous approcher.
— J’ai compris.
— Vous viendrez ?
— Je ne pense pas.
— Vous êtes très belle, vous savez ? Et vertueuse.
— Non, non, je ne suis pas très belle, rétorqua Christel. Il faut que je m’en aille, j’ai un autre rendez-vous. Marie-Claire n’était pas bonne perdante. Un ressentiment teinté de jalousie remonta lentement à la surface et modifia la tonalité de sa voix.
— Comme vous voudrez. Je vais vous payer. Attendez là.
Elle revint avec un billet de 50 ? et Christel commença à chercher la monnaie.
— Gardez tout !
La coiffeuse s’empressa de remballer son matériel et ne fut rassurée qu’une fois les portes de l’ascenseur fermées devant elle. Il y avait quelque chose d’inquiétant dans ce regard et elle espérait ne jamais le croiser ni au 3W, ni ailleurs. (...) "

" (…) (Une) auteur dont l'univers se situe à mi-chemin entre "The L Word" et "Les Chroniques de San Francisco".
 "

" Nathalie Vincent nous régale une nouvelle fois avec les périties liées au Passage du Caire et sa librairie "Le Petit livre rose". L'attachement à ses personnages, le rythme du récit, la diversité des situations, tout ceci concourt à lire un très bon roman homo… (…) "