Une virgule pour respirer

" (...) Elle pensait à tout cela tandis qu’elle effectuait à pied le trajet entre le boulevard Lemonnier et la place de Brouckère, il faisait beau, elle aimait marcher. Arrivée à hauteur de la Bourse, toujours plongée dans ses pensées, elle ralentit puis farfouilla dans son sac à dos pour vérifier qu’elle n’avait pas oublié son portefeuille à la librairie. Se croyant observée, elle releva la tête et parcourut rapidement des yeux les marches sur lesquelles quelques personnes étaient assises.
Une jeune femme croisa son regard et elles restèrent en contact visuel un moment étonnamment long pour deux inconnues dans un lieu public. Marielle n’arrivait pas à se détacher et la jeune femme en face ne s’en sortait pas mieux.
Durant tout ce temps, Marielle se sentit entière… (...)

" (...) Au bout d’un mois de cette nouvelle vie, Clarisse trouva le courage d’affronter la fameuse question « Qu’aurait été ma vie si je n’avais pas rencontré Marielle? » Cette question l’occupait et la taraudait abondamment. Lors du retour d’une consultation à domicile pour accompagner une dame qui venait de perdre sa fille, elle passa devant une papeterie et, prise d’une inspiration soudaine, elle entra dans le magasin qui sentait bon l’encre et le papier pour s’acheter un joli carnet et un beau stylo, elle n’avait plus écrit avec une plume depuis ses études primaires. Rentrée chez elle, elle se servit un verre de vin rouge et ouvrit le carnet à la première page. Elle inscrivit « Qu’aurait été ma vie si ma route n’avait pas croisé celle de Marielle ? », elle divisa la page en deux colonnes, une pour ce qu’elle avait vécu depuis qu’elle la connaissait, l’autre pour ce qu’elle aurait pu vivre sans connaître Marielle. (...) "

" (...) À 20h03, les mains moites, Clarisse téléphona à Marielle. Une partie d’elle souhaitait qu’elle ne décroche pas, elle laisserait un message lui demandant de la rappeler, elle gagnerait quelques précieuses minutes avant ce qu’elle qualifiait dans sa tête de confrontation.
Je suis ridicule, pensa-t-elle, je suis adulte, j’ai une formation en sciences humaines et je me comporte comme une adolescente énamourée, en fait je suis pathétique.
— Allô, dit rapidement Marielle en décrochant, Clarisse?
— Oui… vous devez vous douter du pourquoi je vous appelle ? commença Clarisse en lançant sa ligne et son hameçon aussi loin qu’elle le put.
Marielle était quelqu’un d’honnête et de franc, elle ne chercha pas à se soustraire à la conversation ni à tourner autour du sujet.
— Oui, j’ai une petite idée de la raison de votre appel, on va appeler un chat, un chat, en l’occurrence, dans notre cas, nous parlons d’un baiser. (...) "

" (… ) Est-ce qu’une rencontre à l’adolescence est garante d’une relation épanouie et sans heurts ou bien, tout au contraire, un itinéraire distinct permet-il une évolution plus riche et équilibrée ? Plus fondamentale encore, la force d’attraction des deux femmes constitue-t-elle un point d’ancrage inévitable ?

Un roman fort bien construit où l’autrice explore avec habilité la complexité des relations amoureuses à travers une croisée des possibles."

Benoit Migneault - on Fugues